Mon blog, mon réseau, notre communauté
Réseaux sociaux, communautés en ligne, plateformes participatives, outils collaboratifs, le web contemporain fourmille de solutions plus ou moins élaborées pour publier son propre contenu, le communiquer au monde, se connecter avec la planète. Et maintenant? Qu’allons-nous faire de cette infinité d’articles, d’images et de vidéos que nous avons accumulés, de ces milliers de liens que nous avons tissés dans Facebook et LinkedIn? A quoi tout cela nous sert-il? Quelle sera la prochaine étape?
Revenons quelques années en arrière. En 2006, le magazine Time élisait l’internaute lambda « personnalité de l’année ». Le monde nageait alors en pleine célébration du « User Generated Content » (contenu généré par l’utilisateur) et du pouvoir reconquis par l’individu-internaute au détriment des médias de masse ; c’était la révélation du web participatif.
Quatre ans plus tard, c’était au tour de Mark Zuckerberg, fondateur et PDG de Facebook, de faire la une du magazine pour avoir réussi à connecter quelque 500 millions de Terriens les uns aux autres. On réalise alors seulement la puissance inédite du réseau social en ligne, Facebook entre bien d’autres.
Désormais, nous sommes donc capables de produire notre propre contenu et d’intervenir sur celui produit par d’autres ; nous pouvons également créer massivement des liens avec un nombre presque illimité d’internautes sur la planète.
Et maintenant?
Le web est un outil extraordinaire pour rassembler les gens, mais on ne peut les mobiliser véritablement ni les faire collaborer en se contentant de les interconnecter et de les abreuver de contenu. Pour obtenir des résultats tangibles, leur engagement et des liens durables entre eux sont nécessaires.
Au départ, il ne faut pas se le cacher, la plupart des internautes ont des motivations principalement égocentriques. Ils sont prêts à utiliser leur réseau mais peu enclins à contribuer. L’ingrédient qui va faire toute la différence est l’identification à une cause, un objectif ou une mission partagée délibérément par un groupe de personnes. A partir de cet instant, l’intérêt collectif se substitue peu à peu à l’intérêt individuel, les participants réalisent que l’association de leurs efforts surpasse la somme de leurs actions individuelles. Les liens faibles qu’ils entretenaient jusqu’alors dans leur réseau se transforment progressivement en liens plus forts et plus durables. Ainsi, les membres d’une communauté, contrairement aux membres d’un réseau, misent sur des principes de durabilité, de responsabilité, de réussite collective. Si on pousse le mécanisme à l’extrême, on aboutit même parfois à la prise de conscience que la réussite collective est une condition sine qua non de la réalisation individuelle.
Lorsqu’un réseau se mue en communauté, les résultats sont parfois spectaculaires. J’en veux pour preuve ce que les innombrables contributeurs à Wikipédia ont accompli, mais également les développeurs de logiciels open source ou l’intelligence collective développée par les soignants au sein de communautés telles que Sermo ; j’en passe et des meilleures.
Dans les affaires comme ailleurs, on commence à comprendre l’intérêt – parfois la nécessité – de la communauté au sens large pour concevoir de nouveaux produits ou services. Les grandes entreprises, bien sûr, mais également les gouvernements ne peuvent plus résoudre leur propre complexité en comptant seulement sur des ressources internes. De plus en plus de responsables et de leaders mettent en oeuvre des approches de type crowdsourcing incluant des experts, des clients, voire l’internaute lambda, bien au-delà des partenaires traditionnels et de la chaîne de valeurs déjà en place.
Cependant, l’esprit communautaire n’est pas si simple à créer. Il faut être capable de mobiliser, d’inspirer, de motiver. Créer une communauté consiste à amener les participants à mettre de côté leurs intérêts individuels en faveur d’un objectif commun, à penser et à agir de façon collective et à accepter une certaine part de responsabilité. C’est exactement ce que Bill Drayton, fondateur d’Ashoka , a réussi dans le domaine de l’entrepreneuriat social. Le mécanisme ne fonctionne pas moins bien pour des entreprises lucratives. En 2008, la société américaine Pfizer était confrontée à d’importantes difficultés en matière de conseil juridique externe. Les études d’avocats sous contrat avec le géant pharmaceutique coopéraient rarement et n’échangeaient guère leurs informations. C’est alors que Pfizer a complètement transformé son mode de fonctionnement en développant une communauté d’une vingtaine de partenaires orientés vers la coopération, une plateforme dédiée pour faciliter leurs échanges, un nouveau modèle de gouvernance et, surtout, des objectifs communs pour toutes les études d’avocats.
Après le web 2.0 et le réseau, la prochaine prise de conscience globale sera peut-être bien celle de la communauté, que ce soit dans le domaine associatif ou celui des affaires. Lorsqu’on travaille de concert, lorsque les objectifs sont partagés, lorsqu’une cause nous inspire collectivement et nous permet de nous réaliser individuellement, alors nous progressons vraiment.
Olivier Tripet, co-fondateur de Net-Academy
ENCADRE
« Qui que vous soyez, la plupart des personnes les plus intelligentes ne travaillent pas pour vous ». Bill Joy, co-fondateur de Sun Microsystems